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« Affamer la bête »… et faire payer les retraités

jeudi 22 mai 2025

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« Affamer la bête », en version originale « Starve the beast », c’est une théorie élaborée par les conservateurs américains, qui consiste à diminuer les ressources fléchées vers la protection sociale et les budgets publics, pour faire apparaître des déficits, et ensuite réduire les services publics et le périmètre de la protection sociale.
C’est la politique mise en œuvre depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron, celle qui a consisté en cadeaux fiscaux aux plus riches, exonérations de cotisations patronales, plafonnement de la fiscalité des dividendes, baisse de l’impôt sur les bénéfices des entreprises. Affamer la bête donc !

Les budgets publics sont dans le rouge, les comptes de la Sécurité sociale revêtent la même couleur et il faut, nous dit-on, trouver dans l’urgence 40 milliards d’euros.
Face à cette demande pressante, les organisations patronales ont fait assaut d’imagination, non pour apporter leur obole, mais pour mettre à contribution… les retraités, réputés nombreux, riches et oisifs…
Depuis janvier, elles ont, soit au sein du colloque des retraites, soit à sa marge, multiplié les attaques contre les retraités et leur pouvoir d’achat, histoire de trouver quelques subsides pour abonder les 40 milliards d’euros réclamés par le premier ministre.

C’est le MEDEF qui a ouvert le feu, en janvier, avec la proposition de supprimer l’abattement fiscal des retraités et de favoriser la retraite par capitalisation.

L’offensive s’est poursuivie avec la CPME et M. Reza-Tofighi qui préconise aussi la suppression de l’abattement fiscal, mais ajoute au catalogue le gel des pensions et estime que par rapport à la moyenne européenne les retraités français sont trop bien traités. Il faudrait donc tendre vers les standards européens moyens et par là même faire passer sous le seuil de pauvreté 700 000 ou 800 000 retraités supplémentaires, afin que leur proportion atteigne 15%. C’est indécent, nous n’avons que 1.8 millions de retraités pauvres !

Dernier coup et pas des moindres, le 6 mai, la conférence de presse de l’U2P, les artisans, professions indépendantes et professions libérales, dont les propositions sont assez directement inspirées par Antoine Foucher, ex conseiller de Muriel Pénicaud et auteur de l’ouvrage « Sortir du travail qui ne paie pas ».Pour rendre 100 milliards d’euros aux gens qui travaillent, on cible une série de mesures fléchées contre la rente et les revenus de remplacement. Donc, contre les retraités.
On propose de supprimer la CSG et la CRDS pour l’ensemble des actifs. On les remplace par une taxe calibrée à 8% affectant uniquement les retraités, mais tous les retraités y compris ceux qui sont exonérés de CSG.
On gèle les pensions pour trois à cinq ans.

On l’a bien compris, le patronat, bien aidé dans cette voie par Mme Amélie de Monchalin, considère que les retraités constituent dans leur majorité, sinon dans leur totalité, une catégorie privilégiée, notamment parce qu’ils sont détenteurs de patrimoine.
C’est vrai, 70% des 65 -69 ans sont propriétaires de leur maison. Mais 28% de la même classe d’âge sont locataires, et 2% usufruitiers non propriétaires. A l’inverse, 28% sont multi-propriétaires. C’est bien la preuve que ce que nous avancions, à l’appui de notre Baromètre des retraités, se vérifie dans les données de l’INSEE : tout le monde ne vit pas la même retraite et les retraités constituent une population hétérogène.
Supprimer l’abattement fiscal de 10% dont ils bénéficient sur le montant de leur pension, consiste à établir un impôt supplémentaire sur les pensions. Si l’on veut taxer les retraités les plus riches, ce sont les revenus du patrimoine qu’il faut d’abord cibler, pas les pensions.
Preuve que la suppression de l’abattement fiscal de 10% est un mauvais outil fiscal pour mettre à contribution les retraités riches, avec cette mesure, du fait de son plafonnement à 4300 euros, les 5% les plus riches seraient moins pénalisés que les retraités de la classe moyenne supérieure dont les revenus se situent entre 40 000 et 50 000 euros. Les premiers perdraient 0.9% de pouvoir d’achat, les autres1.5%.

Avant de lancer cette idée, aussi fumeuse que démagogique, la ministre des comptes publics eut été bien inspirée de demander à ses services une étude d’impact. Elle aurait pu vérifier qu’elle risquait de rendre imposables 500 000 retraités et d’en appauvrir d’autres. Particulièrement ceux que cette mesure ferait changer de tranche de CSG.
Autant de bonnes raisons de signer la pétition de l’UNSA Retraités refusant la suppression de l’abattement fiscal des retraités.
La pétition contre la suppression de l’abattement fiscal des retraités-