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Il y a 80 ans, la Sécurité sociale
vendredi 26 septembre 2025
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« Assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État » tel était le rôle qu’assignait le Conseil National de la Résistance à la future Sécurité sociale.
Il y a 80 ans, ce projet solidaire devenait une réalité dans la vie des Français.
Retour sur ce passé...
Il y a 80 ans, le 19 octobre 1945, le Gouvernement provisoire de la République française institue officiellement, par ordonnance, le régime général de la Sécurité sociale qui a été dessiné et sera effectivement mis en place par le ministre du Travail Ambroise Croizat et le haut fonctionnaire Pierre Laroque. Bouleversant la logique des anciennes assurances sociales parcellaires patronales, ils créent avec les militants de la CGT réunifiée, [1] un régime général unifié, universel, et géré par les travailleurs eux-mêmes. La Sécurité sociale devient un fondement du système social public et de l’économie française contemporaine, assise sur les cotisations sociales prélevées sur les salaires et non sur l’impôt comme dans le système beveridgien en vigueur au Royaume Uni.
Ambroise Croizat met en place un régime général de couverture sociale qui non seulement mutualise une part importante de la valeur produite par le travail, mais qui en confie aussi la gestion aux travailleurs eux-mêmes. Il n’invente pas la Sécurité sociale, dont les éléments existent déjà ; il rassemble en une seule caisse toutes les formes antérieures d’assurance sociale et finance l’ensemble par une cotisation interprofessionnelle à taux unique.
Ainsi, les allocations familiales, l’assurance-maladie, les retraites et la couverture des accidents du travail ne dépendent ni de l’État ni du patronat, mais d’une caisse gérée par des représentants syndicaux. Avec Pierre Laroque, il supervise l’installation du nouveau système unifié en lieu et place du millefeuille préexistant (couvertures par profession, par branche, par catégorie de salariés, par type de risque, auxquelles s’ajoutaient les mutuelles et les caisses syndicales et patronales).
Même si elle a beaucoup évolué depuis, notamment dans sa gestion, la Sécurité sociale que nous connaissons est l’héritière directe des ordonnances d’octobre 1945.
L’UNSA marque cet anniversaire en organisant un colloque le 30 septembre sur le thème « 80 ans de la Sécurité sociale avec l’UNSA », dans les locaux de la MGEN à Paris.
Assez curieusement, on célèbre, en ce mois d’octobre 2025, en même temps que les 80 ans de la "Sécu", les 40 ans des restos du Cœur. Deux projets fondées sur l’esprit de solidarité et l’humanisme, pour répondre à la souffrance des plus démunis. Mais alors que la Sécurité sociale s’inscrivait dans une logique d’universalisme et visait à la pérennité, le fondateur des Restos du Cœur voyait dans son œuvre une initiative ponctuelle, pour répondre à une détresse dont il n’envisageait pas qu’elle s’amplifierait au fil des décennies. C’est pourtant le cas dans une France qui n’a jamais compté autant de pauvres, plus de dix millions, dont deux millions de retraités.
Alors plus que jamais, dans une France où il faudrait enfin que l’on n’ait plus le droit d’avoir faim ni d’avoir froid, nous avons besoin d’une Sécurité sociale solide, puissante et bien financée, qui s’inscrive dans la durée.
Pour qu’on puisse, un jour, fermer les portes des Restos du Coeur.
Pour faire vivre pleinement le projet solidaire formulé à l’époque par Ambroise Croizat : "Il faut en finir avec la souffrance, l’indignité et l’exclusion. Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie".
[1] Rappelons qu’en 1945, il n’existe en France que deux organisations syndicales, d’une part, la CGT réunifiée issue de la CGT de réformiste de Léon Jouhaux, et de la CGTU de Benoît Frachon et d’autre part la CFTC, qui refuse le modèle de caisse unique de la Sécurité sociale