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Rapport du Haut Conseil de l’Âge sur l’engagement social des retraités : les freins à l’engagement (Partie III)
lundi 27 octobre 2025
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Nous abordons dans cette dernière partie de l’analyse du Haut Conseil de l’Âge, les freins à la participation sociale des retraités, le manque d’incitation fiscale à leur engagement, et la part de richesse dans le PIB générée par le bénévolat des retraités
Les freins au développement de la participation sociale des retraités.
La difficulté de renouveler les adhérents/bénévoles/militants :
Les organisations ayant répondu au questionnaire du HCFEA questionnaire témoignent toutes d’une évolution à la baisse de l’adhésion des 65 ans et plus, qui révèle une situation complexe et des défis importants pour elles.
Elles observent une tendance générale à la baisse de l’engagement des seniors, qui se manifeste par une diminution des adhésions, du militantisme - de la participation, et de l’engagement dans l’exercice de mandats. Cette baisse importante (souvent qualifiée de « perte » dans les réponses) est constatée lors du passage à la retraite, mais aussi au cours des années qui suivent.
Historiquement, le passage à la retraite a toujours marqué une rupture avec le monde du travail, ce qui peut entraîner une perte d’intérêt pour le syndicalisme. A l’inverse, l’augmentation du « temps libre » a pu conduire les générations passées de retraités à plus s’investir dans le monde associatif.
Cependant, plusieurs évolutions, souvent liées dans un passé récent, contribuent à cette évolution pour les répondants et on retrouve sur ce point des réponses analogues des organisations syndicales ou représentatives.
Dans un contexte de tensions sur le marché du travail (hausse du chômage, intensification des rythmes d’activité, etc.) et de réformes visant notamment à allonger les durées de carrières, retarder les âges de départ à la retraite, ce désengagement peut trouver une de ses sources dans une forme d’« usure liée à la vie professionnelle, au militantisme et à l’engagement ». Le sentiment d’un « manque de dialogue et de considération du pouvoir politique envers les corps intermédiaires » est également mis en avant par les répondants.
L’engagement bénévole, particulièrement en milieu rural, se heurte à des contraintes matérielles de plus en plus marquées, parmi lesquelles la question de la mobilité constitue un frein central. Dans les zones peu denses, l’accès aux lieux d’activité associative suppose souvent des trajets en voiture, parfois sur de longues distances. L’augmentation continue du coût de l’énergie, des carburants et des péages aggrave ces difficultés, surtout pour les personnes âgées ou modestes, qui assument elles-mêmes les frais liés à leur engagement.
Ce que dit le Baromètre UNSA des retraités à ce sujet :
Le rapport du HCA cite ensuite l’Unsa Retraités qui a publié son « baromètre des retraité.es » en novembre 2024, enquête sur plus de 2 300 retraités et portant sur leurs préoccupations et perceptions de cette période de la vie.
Malgré ces difficultés financières et sociales, les répondants « retraités » déclarent, à plus de 80 %, se sentirent utiles dans la société notamment par leur implication dans la vie associative ou par des actions de solidarité intergénérationnelle. Et de fait, 60 % d’entre-eux disent exercer une activité bénévole. Ils ne sont toutefois plus que 34 % parmi ceux percevant moins de 1 000 € par mois. C’est aussi dans ce groupe que la proportion de retraités exerçant une activité professionnelle par nécessité est la plus élevée (14 %).Si le passage à la retraite est ressenti comme une étape positive pour la quasi-totalité des répondants« retraités » (88 %), il est nécessaire de s’intéresser à la diversité des profils, et des aspirations, des personnes regroupées dans cette catégorie très hétérogène.
Le manque d’incitations fiscales
Le régime fiscal actuel ne permet pas une prise en compte suffisamment incitative des charges des bénévoles.
Si les heures de bénévolat, en tant que telles, n’ouvrent droit à aucun avantage fiscal – ce qui correspond au principe d’un engagement désintéressé – les frais engagés personnellement par un bénévole peuvent, sous certaines conditions, être considérés comme un don en nature et donner droit à une réduction d’impôt. Cette disposition s’applique principalement aux frais de déplacement (kilomètres parcourus, billets de transport en commun, péages) ou à de petits frais annexes (timbres, fournitures). Pour en bénéficier, le bénévole doit renoncer explicitement à leur remboursement par l’association et produire les justificatifs nécessaires.
Toutefois, cette possibilité ne concerne que les personnes imposables à l’impôt sur le revenu. De fait, une partie importante des bénévoles, notamment les retraités modestes ou les jeunes adultes, ne tirent aucun bénéfice fiscal de cette déduction, ce qui constitue une inégalité d’accès à ce soutien indirect.
Les réflexions et orientations pour soutenir l’exercice de fonctions de représentation
La représentation des seniors dans les instances de gouvernance ou de concertation est un sujet d’importance croissante, surtout dans le contexte du vieillissement de la population et de l’allongement de la vie professionnelle.
Le désengagement des seniors des engagements militants induit, pour une majorité de répondants au questionnaire du secrétariat général du HCFEA aux membres du Conseil de l’Age plus en plus de difficultés pour trouver des retraités au sein des organisations afin d’« occuper » des mandats, notamment dans les Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA).
A l’inverse, les organisations répondantes constatent :
- qu’il est en général moins difficile de maintenir un engagement militant si des responsabilités et / ou des mandats sont proposés aux adhérents, de par l’intérêt et le sentiment d’utilité qu’ils confèrent ;
- que s’agissant particulièrement des Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), la réalité de leur activité est un facteur important pour l’engagement des seniors. Si l’activité ou l’intérêt des travaux du CDCA est faible, les seniors ne souhaitent pas ou plus y participer. Au contraire, si le CDCA est actif, la « relève » se fait plus facilement.
Ce constat est valable pour de nombreuses instances. Mais l’existence de limites d’âge pour l’exercice de certains mandats est également souvent citée comme un frein à la participation des seniors. (Les Organismes de Sécurité sociale par exemple).
La contribution des seniors à la création de richesse (PIB)
La silver économie, outre les progrès technologiques, concerne tous les pans de l’économie centrée sur les besoins et aspirations des personnes âgées. La présence de personnes âgées et le développement de la silver économie peuvent revitaliser certains territoires à condition de garantir une offre de services suffisante. Le Conseil de l’âge demande qu’une loi de programmation de la transition démographique offre un cadre d’orientations aux acteurs publics et privés, pour anticiper ces évolutions et adapter les infrastructures et les services aux besoins d’une population vieillissante.
Les personnes âgées, du fait de leur moindre mobilité résidentielle et de leur attachement au territoire, sont souvent plus « captives » géographiquement que les autres tranches d’âge. Cette relative stabilité en fait une population d’ancrage, capable de soutenir la demande locale de biens et de services, en particulier dans les secteurs de la santé, de l’aide à domicile, de l’habitat adapté ou du commerce de proximité. L’installation ou le maintien de seniors dans ces territoires favorise ainsi un vivier d’emplois non délocalisables, contribue à la revitalisation de communes en déclin démographique et doit donc inciter à des politiques locales de développement adaptées (mobilité, logements, services publics). Dans un contexte de métropolisation et de concentration des activités, les personnes âgées peuvent donc paradoxalement devenir un levier de rééquilibrage territorial.
En combinant une politique d’aménagement favorable à l’accueil des personnes âgées avec des dispositifs encourageant leur participation, les territoires ruraux et périurbains peuvent convertir le vieillissement démographique en un moteur de vitalité sociale et économique.
La situation économique des seniors est aujourd’hui globalement favorable par rapport au reste de la population, mais marquée par des différences importantes en leur sein en termes de revenus et de patrimoine.
Une forte proportion de seniors fait un usage altruiste de ses revenus et de son patrimoine, ainsi que de son temps, apportant une contribution monétaire ou en nature aux autres ménages ainsi qu’à la richesse nationale.
Ce contexte est cependant « transitoire » dans la mesure où, dans les prochaines années, le niveau de vie moyen des seniors devrait augmenter en termes absolus mais baisser relativement à celui des actifs. La question des freins, financiers ou en temps disponible, au maintien de leur participation sociale et contributions se posera à l’avenir pour certains seniors, et doit être prise en compte.
En conclusion le Conseil de l’Age propose quelques pistes :
• Sachant que la pratique d’activités socialisées a un effet protecteur sur la perte d’autonomie mais qu’elle bénéficie davantage aux hommes qu’aux femmes ainsi qu’aux personnes à diplômes et revenus élevés le HCA propose de promouvoir cette participation sociale spécifiquement auprès de groupes ciblés ce qui pourrait permettre de réduire les inégalités sociales dans la survenue de la perte d’autonomie
• Dans une société où la quête de sens devient une motivation centrale, notamment chez les retraités jeunes ou récents, il conviendrait de renforcer la promotion et l’attractivité de l’engagement des seniors, les solidarités de proximité constituant un levier du lien social et bénéficie à toutes les générations.
• Pour le HCA il faut lutter contre les freins à la participation notamment en faisant évoluer la fiscalité de l’engagement bénévole vers un modèle plus juste et incitatif. Un moyen d’y parvenir serait de transformer la prise en compte des frais engagés par les bénévoles en crédit d’impôt et en « décloisonnant » certains critères de financement des actions collectives en fonction des publics cibles.
• S’agissant des organismes de Sécurité sociale, le HCA estime qu’une évolution doit intervenir pour qu’il soit possible de s’engager dans un premier mandat d’administrateur ou de conseiller à tout le moins à 70 ans non révolus. Les limites d’âges de certains mandats étant pour le HCA un outil imparfait et discriminant quant à l’objectif légitime de renouvellement régulier de leurs titulaires. Une limitation du nombre de mandats éviterait ce non renouvellement.
• La présence de personnes âgées et le développement de la silver économie peuvent revitaliser certains territoires à condition de développer une offre de services suffisante. Le HCA demande qu’une loi de programmation de la transition démographique offre un cadre d’orientations aux acteurs publics et privés pour anticiper ces évolutions et adapter les infrastructures et les services aux besoins d’une population qui avance en âge.
