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« Boomers » : les responsables de la dette ? vraiment ?
dimanche 31 août 2025
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Lors de l’inauguration de la Foire de Champagne, François Bayrou a joué à fond la carte des antagonismes de générations, en opposant les jeunes aux retraités, présentés comme des nantis. Pour parfaire cette posture un rien démagogique, il a désigné les retraités et personnes âgées sous le terme de « boomers », coupables de son point de vue d’adopter une posture « immorale » parce qu’ils refusent le plan d’austérité qu’il veut leur imposer...
Le propos est injurieux à l’égard des seniors, dans sa forme, et émaillé de contre-vérités sur le fond...
Reprenons quelques arguments pour combattre certains préjugés à l’encontre des plus âgés.
Définition (Wiktionnaire) Boomer, péjoratif : « Personne menant un train de vie confortable et s’opposant moralement aux changements sociétaux portés par les jeunes générations ».
Les « boomers », une population homogène ?
Pas vraiment... Nous l’avions démontré l’an dernier, à l’appui de notre Baromètre UNSA des retraités, tout le monde ne vit pas la même retraite.
Selon le Panorama des retraités et retraites de la DREES, édition 2024, la pension moyenne nette s’élève à 1512 €, mais ce n’est qu’une moyenne, celle des femmes est bien plus basse, de l’ordre de 1268 € brut.
Si le niveau de vie des 10% de retraités les plus riches dépasse 3400 €, les 10% les plus pauvres disposent d’un niveau de vie inférieur à 1100 €.
Soulignons également que 11,1% des retraités vivent sous le seuil de pauvreté. En 2022, c’était seulement 9,5% qui étaient dans cette situation.
Sur les 17,9 millions de retraités, cela fait 2 millions de retraités pauvres, et pauvres de façon irréversible. Peut-être pas encore assez, aux yeux de certains !
Les retraités profiteraient du système de façon abusive, parce que leurs pensions sont indexées sur l’inflation ?
La pension de base est indexée sur l’inflation. C’est ce que dit le Code de la sécurité sociale, en effet... Sauf qu’en dix ans, de 2012 à 2022, les gouvernements successifs ont dérogé 5 fois à cette règle, et sur la même période, reporté de un an les dates de revalorisation des pensions...
Résultat : Entre 2012 et 2025, la pension d’un retraité cadre de la génération 1952 a baissé de 10%, celle d’un non-cadre de la même génération, de 5,5% selon le rapport du Conseil d’Orientation des Retraites 2025.
Disons-le clairement, les retraités ont beaucoup contribué au maintien de l’équilibre financier du système des retraites.
Et si les pensions étaient indexées sur l’évolution du Salaire Mensuel de Base, elles auraient progressé de façon plus importante (sauf pour les fonctionnaires, puisque le point d’indice de la Fonction Publique est gelé depuis quinze ans !).
Le patrimoine des retraités en fait-il des favorisés ?
Rappelons, là aussi, que 28% des retraités, souvent parmi les plus modestes, ne sont pas propriétaires de leur logement. Il est également vrai que 28% des retraités sont multi-propriétaires, et que ceux-là peuvent être davantage mis à contribution sur les revenus qu’ils retirent de leur patrimoine. Mais pour les retraités qui ne sont propriétaires que de leur logement, parfois vétuste, inconfortable, couteux à entretenir et à chauffer, la situation de propriétaire n’est pas toujours synonyme de richesse, loin de là.
Pour l’ensemble des retraités, que nous dit le Conseil d’Orientation des Retraites ?
Les retraités disposent d’un patrimoine moyen de 267 300 €, supérieur de 22% au patrimoine moyen de l’ensemble des Français (218 300 €) et de 35% à celui des actifs.
C’est un peu logique que le patrimoine accumulé par une vie de travail soit plus important à 70 ans qu’à 35 ans !
En gros, le patrimoine des retraités dépasse de 50 000 € celui de l’ensemble de la population. 50 000 € d’assurance vie ou de plan épargne retraite mis de côté par les retraités en prévision du risque perte d’autonomie, soit l’équivalent de 18 mois de séjour en EHPAD, charge qu’ils ne souhaitent pas faire assumer à leurs enfants ou petits-enfants !
Et si cette épargne a tendance à croître, c’est lié à l’absence d’un service public du grand âge digne de ce nom, et à une forte inquiétude par rapport au risque que constitue la perte d’autonomie.
Le niveau de vie des retraités serait supérieur à celui de l’ensemble de la population ?

Eh bien non ! Même le Comité de Suivi des Retraites le reconnaît. Dans son avis de juillet 2025, il déclare : « Les retraités ont un niveau de vie par unité de consommation équivalent à celui de l’ensemble de la population en 2022, ce qui peut paraître en décalage avec les opinions les plus fréquentes. Ce niveau de vie reste inférieur à celui des seuls actifs".
Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, en 2022, le revenu moyen disponible d’un ménage de retraités, 2755 €, correspondait à 78,3% du revenu moyen des ménages français. Celui d’un ménage d’actifs, 4071 €, s’élevait à 115,7% du revenu moyen.
Le niveau de vie moyen d’un ménage de retraités correspond à 97% du revenu moyen, celui d’un ménage d’actifs à 109,5% du niveau de vie moyen. Soit un écart de 12,5 points entre actifs et retraités.
Alors, s’il vous plaît, messieurs les politiques, arrêtez de stigmatiser les retraités sous le vocable péjoratif de "boomers", considérez qu’ils ne sont pas tous dans l’opulence, loin de là, admettez qu’ils s’investissent largement dans le bénévolat, même si les difficultés qu’ils rencontrent les détournent un peu de ces engagements, et qu’ils sont utiles à la société.
Dans une république qui affiche dans le triptyque de sa devise le joli mot de "fraternité", opposer les générations par simple calcul politique ne grandit pas ceux qui se livrent à cette manœuvre. Monsieur Bayrou, "boomer" né en 1951, devrait s’en soucier... et peut-être se pencher sur les travaux du Conseil d’Orientation des Retraites comme sur l’avis du Comité de Suivi des Retraites pour éviter de fâcheuses approximations.