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L’injustice en héritage

samedi 28 juin 2025

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La question des droits de succession et de la taxation des héritages constitue un sujet extrêmement sensible. Elle touche à la fois au patrimoine, constitué ou reçu de ses ascendants, et à l’affectif, ce que l’on laisse à ses enfants. Fréquemment mal appréciée, elle génère des solidarités souvent infondées entre les détenteurs de patrimoines des classes moyennes et les plus fortunés de nos concitoyens.
Infondées parce que la grande majorité des Français qui héritent en filiation directe échappent à toute taxation. Ce sont les plus favorisés qui profitent du consensus et de l’impopularité de toute réforme des droits de succession.

Des patrimoines très inégalement répartis.
En 2021, l’INSEE estimait le patrimoine moyen des 10% de Français les plus pauvres à 4400 euros, soit 20% du plafond d’un livret A.
A l’inverse, les 10% les plus favorisés possédaient tous ensemble 47% du patrimoine national et individuellement, un patrimoine supérieur à 716 000 euros.
Le patrimoine des 50% les plus favorisés, assez largement constitué d’immobilier, a été fortement revalorisé par l’inflation qui a concerné les propriétés bâties.
Mais, chez les 10% les plus favorisés, les biens professionnels et le patrimoine mobilier (actions, placements financiers) constituent la majorité de la fortune.

Des inégalités en progression
Entre 2010 et 2023, la fortune des 10% les plus riches s’est accrue de 53%, celle des 50% les plus modestes seulement de 45%.
En 1970, le patrimoine provenant des successions représentait 35% du patrimoine moyen. Aujourd’hui, la richesse issue des héritages constitue 60% du patrimoine. Les inégalités liées à la naissance pèsent lourd dans la hiérarchie sociale.

Une fiscalité des successions marquée par une faible progressivité :
Le montant moyen d’une succession pour le bénéficiaire est estimé à 70 000 euros. Chaque héritier bénéficie d’un abattement de 100 000 euros sur les héritages en ligne directe.
Par ailleurs, des donations par anticipation, possibles tous les 15 ans, sont également exonérées de droits de mutation, à concurrence de 100 000 euros.
De même, les assurances vie, placement privilégié des Français, sont exonérées de droits, lors des successions, dans certaines conditions (le plus souvent, abattement de 152 500 € pour les primes versées avant les 70 ans du souscripteur et abattement de 30 500€ pour les primes versées après 70 ans) .
L’abattement Dutreuil, réduit les droits de succession sur la transmission des biens professionnels.
Enfin pour la partie des succession dépassant le montant des abattements, il existe une progressivité, mais une progressivité entachée d’énormes disparités :
 La première tranche concerne la part du patrimoine imposable inférieure à 8072 euros, elle est taxée à 5%.
 La deuxième tranche concerne la part du patrimoine imposable comprise entre 8072 euros et 12 109 euros, elle est taxée à 10%.
 La troisième tranche concerne la part du patrimoine imposable comprise entre 12 109 euros et 15 932 euros, elle est taxée à 15%.
 Pour la quatrième tranche taxée à 20% les choses se corsent. Le seuil plancher se situe à 15 932 euros mais le plafond à 552 324 euros soit un rapport de 34.6 entre le seuil bas et le plafond. Ce n’est plus une marche d’escalier que l’on franchit dans les degrés de la progressivité, c’est la grande échelle des pompiers qu’il faut mobiliser pour passer du plancher au plafond.
A ce niveau, la progressivité n’existe plus.
On le voit, cette fiscalité est injuste dans son champ d’application et favorise de façon évidente les gros patrimoines.

Un soutien de l’opinion aux intérêts... des plus riches !
On retiendra qu’en filiation directe, entre 80 et 90% des successions sont exonérées d’impôts.
La part de la population qui bénéficie du soutien des 80 % de l’opinion hostiles à une réforme des droits de successions se réduit aux 10 à 20% de ménages les plus favorisés !

Une réforme des droits de succession s’impose !
L’idée de majorer les droits de succession des Français les plus fortunés a été évoquée à plusieurs reprises, notamment par le Conseil Économique Social et Environnemental , lorsqu’il a cherché des moyens pour financer la branche "autonomie de la Sécurité sociale.
La taxe Zucman sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros suffirait, en rapportant entre 15 et 25 milliards d’euros, à soulager les épaules voûtées de M. Bayrou de la moitié du déficit qu’il tente désespérément de combler.
Un peu plus de progressivité épargnerait la grande majorité des successions directes de la classe moyenne, mais réduirait les privilèges issus de la naissance. Sans doute, les plus riches brandiront-ils la menace d’un exil fiscal, mais la cohésion nationale et les moyens de lutter contre les multiples fractures qui minent notre société valent mieux que des réflexes égoïstes. Peut-on rêver dans les mois à venir d’une réforme restituant un peu plus d’équité et faisant redémarrer l’ascenseur social ?

Et à l’UNSA Retraités, on en dit quoi ?
L’UNSA Retraités revendique une fiscalité des successions mettant à contribution les hauts patrimoines, limitant le niveau et la fréquence des abattements, d’une part, et par la révision des barèmes d’imposition dans le sens d’une meilleure progressivité d’autre part. (Résolution du 7e congrès de l’UNSA Retraités de janvier 2023)

Pour aller plus loin :La position de l’UNSA développée dans l’UNSA Mag