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Protection sociale : qui paie ?

vendredi 15 décembre 2023

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Le financement de la protection sociale a subi au fil des ans de nombreuses modifications, avec notamment l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée, et la multiplication des exonérations de cotisations sociales au titre de la protection de l’emploi, et particulièrement des emplois peu qualifiés...
Il est intéressant de mesurer qui paie quoi...

En janvier 2022, le Rapport d’évaluation des politiques de la Sécurité sociale (REPSS) alertait sur une évolution significative : entre 1990 et 2020 la part des employeurs dans le financement de la protection sociale de base est passée de 64% à 46.5%. Et depuis 2019, les ménages contribuent davantage au financement de la Sécurité sociale que les employeurs.

Des exonérations très favorables aux employeurs
Ces exonérations, majoritairement compensées par L’État, au titre de la Loi Veil de 1994, coûtent 75 milliards d’euros au budget de la nation. Il est légitime d’en questionner la pertinence.

Les exonérations s’échelonnent sur trois niveaux :
De 1 SMIC à 1.6 SMIC, l’exonération est totale.
De 1.6 SMIC à 2.5 SMIC, l’exonération concerne la branche maladie. On parle de « bandeau maladie »
De 2.5 SMIC à 3.5 SMIC, l’exonération porte sur la branche famille. Il s’agit du « bandeau famille ».

Dans un rapport portant sur l’évaluation des politiques de protection sociale les députés Marc Ferracci et Jérôme Guedj ont remis en question l’efficacité de cette dernière tranche d’exonération tant pour la compétitivité des entreprises que pour la protection de l’emploi.
Rapport Ferracci Guedj

Ce « Bandeau Famille » coûte à l’État 1.5 milliards d’euros, somme qui pourrait être plus utilement affectée à la réduction du déficit de la Sécurité sociale.

Une autre exonération, non compensée celle-là, concerne l’absence de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, depuis 2019. Cette mesure de « désocialisation » des heures supplémentaires coûte au budget de la Sécu l2.5 millions d’euros, soit à peu près le quart de son déficit annuel.

On le voit, les exonérations, compensées ou non, constituent un gisement de ressources pour la protection sociale. S’il ne s’agit pas de remettre en cause la totalité des exonérations, notamment celles portant sur les bas salaires, un peu de ménage dans cette générosité à l’égard des entreprises serait bienvenu.

D’autant que les exonérations sont consenties avec une facilité évidente : il suffit de renseigner un dossier de trois pages, quand, pour solliciter le RSA, il faut en remplir dix-sept.
Les exonérations sont soumises à certaines conditions, notamment l’ouverture annuelle de négociations salariales, mais négociation ne signifie pas accord, et la contrainte est donc quasi inexistante.

Pour une contribution plus équitable des entreprises
Parmi les pistes pour revenir vers une contribution plus équitable des entreprises à la protection sociale :
La suppression du « Bandeau famille » concernant les salaires compris entre 2.5 et 3.5 SMIC (entre 3500 et 4900 euros !) proposée par les deux auteurs du rapport parlementaire cité plus haut.
La conditionnalité des exonérations à certaines exigences :
 Salaire minimum de la branche égal au SMIC,
 Égalité salariale hommes-femmes,
 Politique de développement durable,
 Maintien de l’emploi des seniors dans l’entreprise...

Ces mesures garantiraient à la fois le financement de la protection sociale et l’orientation la politique des entreprises vers un modèle plus vertueux au plan social comme au plan environnemental.