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Puisqu’il faut mettre les points sur les i...
lundi 31 mars 2025
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La conférence sociale sur les retraites connaît un enlisement mortifère depuis la déclaration de François Bayrou, sur France Inter, le 16 mars, annonçant que le retour à l’âge d’ouverture des droits à la retraite à 62 ans était impossible.
La situation a le mérite de faire travailler les imaginations. Le magazine Marianne, estimant, à l’opposé du premier ministre, que revenir à la retraite à 62 ans est possible, s’est mis en quête des 24 milliards nécessaires au financement de cette mesure. Faisons le tour des propositions...
Certaines recoupent assez précisément ce que l’on propose à l’UNSA :
– Favoriser l’emploi des seniors, à l’évidence, pour l’UNSA retraités c’est une bonne proposition. Reste à la mettre en œuvre auprès des amis de Patrick Martin, le président du MEDEF.
– Insérer plus rapidement les jeunes dans l’emploi, cela va aussi dans le bon sens, et combattre le chômage des jeunes, mieux accompagner les décrocheurs scolaires, de telles mesures réduiraient les fractures sociales et feraient rentrer des cotisations. Faut-il encore que les emplois se libèrent en ne retenant pas les salariés par un report de l’âge de départ à la retraite...
– Rehausser les droits de successions, il s’agit là d’une mesure qui fait sens pour l’UNSA Retraités. Rappelons que notre organisation revendique une fiscalité des successions mettant à contribution les hauts patrimoines, limitant le niveau et la fréquence des abattements, d’une part, et par la révision des barèmes d’imposition dans le sens d’une meilleure progressivité d’autre part.
– Revenir sur quelques allègements de cotisations, voilà également une mesure que l’UNSA Retraités peut défendre. Seul l’adjectif quelques nous semble poser problème, et nous serions, conjointement avec l’UNSA, plus ambitieux dans ce domaine !
– Favoriser l’insertion des moins qualifiés... Il s’agit aussi d’une mesure visant à l’insertion sociale des plus éloignés du monde du travail, porteuse d’équité.
Mais on s’en doute, d’autres propositions contenues dans l’article du N° 1463 de Marianne nous ont quelque peu hérissé le poil, non que nous soyons fermés à toute mesure de solidarité entre générations, mais bien parce qu’elles relèvent des poncifs les plus éculés, en matière de mise à contribution des retraités :
– Désindexer les grosses retraites
Tout est dans l’adjectif « grosses ». Pour Laurent Saint Martin, ministre du budget de Michel Barnier, il s’agissait des retraites supérieures à 1450 euros ! Pour Édouard Philippe, en 2020, c’était celles qui dépassaient 2000 euros. Pour l’observatoire des inégalités, le seuil de richesse se situe à 4056 euros. Pour Marianne, il s’agirait de mettre à contribution les 50% des retraités les plus favorisés, soit selon le COR, les retraités dont le niveau de vie dépasserait 1943 euros, médiane du niveau de vie des retraités en 2021.
Nous ne partageons pas, mais pas du tout, cette estimation ! Notre Baromètre des retraités l’a montré, avec une retraite inférieure à 2000 euros surtout quand on vit seul, et le plus fréquemment seule, la vie n’est pas facile et certains postes de dépense, énergie, déplacements... demeurent difficiles à couvrir.
Rappelons qu’il s’agit d’une idée loin d’être neuve et déjà largement mise en musique dans la décennie antérieure.
Pour rafraîchir la mémoire, aux journalistes de Marianne et à bien d’autres...
Les pensions de base ont été gelées en 2014, en 2016 et en 2018. Elles ont été sous indexées en 2019, et pour les pensions supérieures à 2000 euros en 2020. Soit cinq mesures de gel ou de sous indexation en 10 ans !
La conséquence, les rédacteurs de l’article auraient pu la trouver page 136 du Rapport du COR 2024 : Pour un retraité non cadre parti à la retraite en 2012, la perte de pouvoir d’achat cumulée atteint 5%, pour un cadre, sur la même période, elle s’élève à 7.8% !
A l’UNSA Retraités, on considère que les retraités, en matière de désindexation ont déjà donné, et qu’il faudrait exploiter d’autres pistes !
– Imposer davantage les retraités aisés
L’explication arrive très vite, sous la forme d’un vieux serpent de mer ! Il s’agirait, vous l’avez pressenti, d’en finir avec l’abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités depuis... 1978, et le gouvernement Barre, réputé pour son laxisme en matière sociale et fiscale.
Une fois de plus, une fois de trop, cet abattement est abusivement assimilé au dégrèvement forfaitaire de 10% des actifs qui renoncent à déclarer leur frais professionnels réels. Hormis le taux de 10%, rien de commun entre les deux mesures, ni le fondement, ni les plafonds : l’abattement est limité à 4321 euros pour un retraité, la déduction peut atteindre 14171 euros pour un actif.
Par ailleurs, cette mesure rendrait imposables des retraités qui perçoivent une pension voisine de 1540 euros et qui sont à ce jour exonérés. Et dire que Marianne s’inquiète du matraquage fiscal !
Plus subtil, les 5% des retraités les plus riches seraient moins impactés, puisque l’abattement, plafonné à 4321 euros est loin de représenter 10% de leurs revenus. En matière d’équité, il y a moyen de faire mieux...
Et si l’on veut parler d’équité, il faudrait considérer la charge que constitue pour les retraités les complémentaires santé, dont ils ont un besoin évident, et qu’ils financent intégralement.
Si le gouvernement s’aventurait dans la voie de la suppression de l’abattement de 10%, la revendication que nous ne manquerions pas de porter serait un crédit d’impôt correspondant à 50% du montant de la complémentaire santé. Pas certain que cela soit source d’économies pour les finances publiques, mais indispensable pour maintenir l’équité entre actifs et retraités.
À l’UNSA Retraités, nous considérons que s’il faut mettre à contribution les retraités riches, ce n’est pas parce qu’ils sont retraités, mais parce qu’ils sont riches !
Cela suppose une refonte de notre fiscalité, impôt sur le revenu et fiscalité des successions plus progressive et mettant davantage à contribution les gros revenus et les gros patrimoines, qu’ils soient détenus par des retraités ou des actifs. Et nous estimons qu’une progressivité comparable devrait être appliquée à la CSG, tant pour les actifs que pour les retraités.