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Trou de la Sécu : l’alerte de la Cour des comptes...

vendredi 30 mai 2025

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La Cour des comptes a alerté dans un rapport publié le 26 mai sur l’évolution négative des comptes de la Sécurité sociale : Selon ce rapport, l’année dernière, le « trou de la Sécurité sociale » s’est creusé à 15,3 milliards d’euros, dépassant de 4,8 milliards d’euros la projection initiale.

En 2025, le solde devrait encore plonger pour atteindre -22,1 milliards d’euros, mais cette prévision demeure « fragile », en raison d’hypothèses optimistes de croissance.

Une situation critique pour l’Assurance maladie
La Cour des comptes pointe des dérives dans l’exécution de l’Ondam (Objectif de dépenses de l’Assurance maladie). C’est la branche maladie qui est responsable de l’essentiel du déficit. Alors qu’en 2018, le dépassement de l’Ondam était sous contrôle à 0.6 milliard d’euros, il atteignait 5.4 milliards en 2023 et 4.3 milliards en 2024.

Cette situation entraîne un accroissement de la dette sociale que la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale)a de plus en plus de mal à absorber. Selon la Cour des comptes, si la dette de la Sécu dépasse 70 milliards d’euros, elle deviendra très difficile à financer sur les marchés.

Des mesures nécessaires pour rétablir les comptes
La Cour des comptes appelle à agir sur les allégements généraux de cotisations sociales. Sur la dernière décennie, leur montant s’est envolé, atteignant 77,3 milliards d’euros. La compensation des allègements de cotisations, assurée par une fraction de la TVA, ne n’est pas intégrale : le montant de sous-compensation est estimé par la Cour des comptes à 18.3 milliards d’euros.
La Cour des comptes estime que l’État devrait assumer intégralement cette sous- compensation liée aux allègements de cotisations à l’Agirc-Arrco et à l’Unédic, ce qui permettrait à la Sécurité sociale de récupérer 5 milliards d’euros
Elle évoque pour 2026 la possibilité de faire contribuer les compléments de salaires (participation financière, actionnariat salarié) et de limiter les exonérations de cotisations uniquement jusqu’à 2,5 Smic, contre 3.5 SMIC aujourd’hui, avec à la clé une économie de 3 milliards d’euros.

Elle propose aussi d’encadrer l’intérim médical, dont les dépenses facturées à l’hôpital public ont été multipliées par 5 entre 2018 et 2023 pour atteindre 500 millions d’euros.
Parmi les autres sujets pointés, les règles du cumul emploi retraites, les fraudes aux retraites versées à des résidents à l’étranger, l’insuffisante efficacité de la lutte contre les fraudes, les pensions d’invalidité.

Elle pointe aussi que la réforme de la Cinquième branche de la Sécurité sociale est inaboutie, avis que nous ne pouvons que partager.

Ne faisons pas des retraités modestes les boucs émissaires de la crise
Le cumul emploi retraite, en 2022, concerne 541 000 personnes, dont 42% de cadres, patrons ou commerçants, 15% d’ouvriers et 23.5% d’employés. Les cumuls emploi retraites sont loin d’être socialement homogènes. Des mesures dans ce sens devraient cibler prioritairement les retraités qui cumulent un emploi et leur pension plus pour maintenir un statut social que par nécessité matérielle. A l’inverse, les femmes, ouvrières ou employées, qui cumulent un emploi et leur retraite, et constituent la moitié des cumuls, le font rarement pour s’occuper ou bénéficier d’une reconnaissance sociale mais plus souvent par nécessité, pour compenser une pension trop faible. Elles mériteraient d’être épargnées de toute mesure pénalisantes .

Concernant les retraités vivant à l’étranger mais percevant une retraite française, s’il est normal de veiller à la régularité des situations, il ne faut pas non plus majorer l’impact de cette fraude. En 2022, 900 000 retraités bénéficiaires d’une pension française vivaient à l’étranger, soit 5.3% des retraités. Souvent bénéficiaires de pensions très modestes, leur pension de base (CNAV) était en moyenne de 300 euros quand celle des retraités résidant en France atteignait 839 euros. Ces retraités choisissent souvent le retour dans leur pays d’origine où une pension même modeste leur garantit un niveau de vie supérieur. Il n’est pas certain que traquer la fraude dans cette voie génère des recouvrements d’indus significativement importants. Mais cette piste peut alimenter abusivement la xénophobie.

En conclusion, saluons le travail de la Cour des comptes qui met le doigt sur de vrais problèmes quant au financement de la protection sociale et de l’assurance maladie, particulièrement :

  • le caractère excessif de certaines exonérations de cotisations non justifiées,
  • l’incomplète compensation de ces exonérations par l’État,
  • le manque à gagner constitué par la non mise à contribution de certains élément de rémunération, primes ou actionnariat salarié.

Retenons aussi le coût de l’intérim médical, qui constitue une spéculation sur la pénurie de praticiens et une mise en coupe réglée des ressources de la santé publique.

Nous invitons à la prudence quant aux mesures qui pourraient pénaliser les retraités modestes, qu’il s’agissent de ceux qui recourent au cumul emploi-retraite, des bénéficiaires de pensions d’invalidité, lesquels ont rarement choisi d’être malades ou en incapacité de travail, ou encore les retraités vivant à l’étranger.

Pour lire la synthèse du rapport de la Cour des comptes, c’est Ici