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Abattement fiscal des retraités, pourquoi faut-il le maintenir ?
lundi 13 janvier 2025
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La question de l’abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités revient à l’ordre du jour chaque fois qu’il s’agit de traiter du déficit de notre système de retraites. Dans la situation critique que nous vivons, avec la perspective d’une croissance du déficit du régime des retraites, s’inscrivant dans une dégradation générale des comptes publics, la tentation est forte de mettre à contribution les retraités, par la suppression de cet abattement.
Gilbert Cette, président du Conseil d’Orientation des Retraites, a rappelé dans une interview au journal « Les Échos », le 6 janvier, qu’il était favorable à cette mesure. Patrick Martin, le président du MEDEF, a lui aussi appelé à la suppression de cet abattement, trois jours plus tard.
Il convient de préciser la nature de cette mesure fiscale, ses origines, les conséquences éventuelles de sa suppression pour mieux saisir les enjeux et comprendre ce qui justifie l’opposition de l’UNSA Retraités à la suppression de l’abattement, si elle était envisagée.
Abattement fiscal de 10% des retraités et déduction de 10% des frais professionnels des actifs, c’est la même chose ?
Contrairement à ce qui est évoqué un peu partout dans les médias, et dernièrement par Patrick Martin, le président du MEDEF, l’abattement de 10% dont bénéficient les retraités n’a pas grand-chose de commun avec la déduction fiscale pour frais professionnels des actifs.
Du point de vue fiscal, un abattement et une déduction n’ont pas le même statut : l’abattement est appliqué de façon systématique alors que le droit à déduction laisse un choix au contribuable : il peut opter pour la déduction forfaitaire de 10% ou déduire ses frais réels, soumis à justification.
D’autre part, si le taux de réduction pratiqué sur le revenu fiscal de référence est identique, les plafonds sont significativement différents.
L’abattement est limité à 4321 euros pour un retraité, la déduction peut atteindre 14171 euros pour un actif.
D’où vient l’abattement de 10% des retraités ?
Il a été mis en place par le gouvernement Barre en 1978, pour pondérer la fiscalité des retraités. L’argument qui le justifiait reposait sur le fait que les revenus des retraités, déclarés par des tiers, en l’occurrence les caisses de retraites, échappaient à tout risque de sous-déclaration, contrairement à d’autres revenus. A aucun moment, n’avaient été évoqués des frais professionnels. L’abattement spécifique de 10 % sur les pensions et retraites est destiné à alléger la charge fiscale des contribuables titulaires de pensions, retraites ou rentes, et en particulier de ceux qui disposent de revenus modestes ou moyens.
Cet abattement concerne-t-il les seuls retraités ?
Non, il s’applique aussi aux pensions d’invalidité, aux pensions alimentaires, aux rentes en cas de divorce... Sa suppression pour les seuls retraités créerait, à leur détriment, une inégalité au plan fiscal.
Quelle incidence sur les règles fiscales ?
D’un point de vue législatif, la suppression de l’abattement de 10% pour les retraités ne pourrait passer que par une révision du Code des impôts. Le Projet de Loi de Finances ne pourrait jouer que sur le plafond de l’abattement.
Quelles conséquences aurait la suppression de l’abattement de 10% pour les retraités ?
- Elle augmenterait la contribution fiscale de 8,4 millions de retraités, soit la moitié de l’ensemble des retraités, et dans cette moitié, tous ne sont pas des riches, loin de là !
- Elle rendrait imposable un nombre conséquent des retraités qui ne le sont pas, certains économistes parlent de 500 000. Un retraité qui bénéficie aujourd’hui d’une pension de 1542 euros ne paie pas d’impôt. Avec la suppression de l’abattement, il paierait 272 euros d’impôt. Rappelons qu’au moment de la loi spéciale consécutive à la démission du gouvernement Barnier, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le fait que, faute de ré-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, des ménages qui n’étaient pas imposables allaient le devenir. On se retrouverait dans une situation équivalente, mais uniquement au détriment des retraités.
- L’abattement de 10% avait aussi pour justification les surcoûts de frais de santé supportés par les retraités. Et en 1978, la loi n’imposait pas aux employeurs de financer une partie de la complémentaire santé. C’est désormais le cas. Les actifs n’assument qu’une partie de leur complémentaire santé, les retraités la totalité. La suppression de l’abattement entrainerait de ce point de vue une aggravation de l’inégalité entre actifs et retraités.
Parce que l’abattement de 10% appliqué à la fiscalité des retraités n’a rien à voir avec la déduction fiscale pour frais professionnels, parce que sa suppression, si elle était envisagée, augmenterait les impôts d’un retraité sur deux, parce qu’elle rendrait 500 000 retraités aujourd’hui exonérés, imposables, l’UNSA Retraités s’opposerait délibérément à toute mesure de suppression de l’abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités, si elle était envisagée par le gouvernement.