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Inégalités devant la mort : le triste constat de l’INSEE

mercredi 17 décembre 2025

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La plus brutale des inégalités est l’inégalité devant la mort. De ce point de vue l’étude publiée par l’INSEE le 15 décembre est inquiétante. Si l’espérance de vie globale progresse, très modérément, les écarts d’espérance de vie sont fortement impactés par le niveau de richesse. Et le creusement des inégalités sur la période observée par l’INSEE, de 2020 à 2024, explique largement qu’en matière d’espérance de vie, l’écart s’accroît entre les plus favorisés et les plus modestes .

Pas d’équité devant la mort
La loi n° 2014 40 du 20 janvier 2014 dispose que les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quel que soit leur sexe. Force est de constater que cet objectif est loin d’être réalisé, du fait même des fortes différences existant en termes d’espérance de vie, différence qui résultent largement du niveau de vie.

Des écarts d’espérance de vie corrélés au niveau de richesse
De la période de 2012 – 2016 à la période 2020-2024, l’écart d’espérance de vie entre personnes modestes et personnes aisées s’est accru.
Si l’on considère la période 2020-2024, chez les hommes, pour les 5% les plus favorisés, l’espérance de vie à la naissance atteint 85 ans. Pour les 5% les moins favorisés, elle se limite à 72 ans. Soit un écart de 13 ans au détriment des plus modestes.
Sur la même période, pour les femmes l’espérance de vie est globalement plus élevée. Mais si l’écart est moindre entre les plus riches et les plus pauvres, il demeure significatif. Les 5% de femmes les plus favorisées ont une espérance de vie à la naissance de 88,7 ans. Pour les 5% de femmes les plus modestes cette espérance de vie se limitée à 80,1 ans, soit un écart de près de 9 ans.
Une femme riche peut espérer vivre 17 ans de plus qu’un homme pauvre !

Les causes de ces différences
Hygiénistes et moralistes ne manqueraient pas de stigmatiser les pauvres pour leur inconduite, tabagisme, manque d’activités sportive, hygiène alimentaire insuffisante…
Plus sérieusement, les plus modestes sont confrontés à des problèmes qui altèrent leur santé et réduisent d’autant leur espérance de vie :
 Les ouvriers sont plus exposés que les cadres aux maladies professionnelles et aux accidents de travail, et de ce point de vue, la France est loin d’être exemplaire. Lire l’article de l’UNSA Encore trop de morts au travail
 L’hygiène alimentaire est directement corrélée au niveau de vie. Les pauvres sont beaucoup lus exposés à la mal bouffe. Les produits frais de qualité sont souvent inaccessibles aux budgets les plus modestes. Notre Baromètre UNSA des retraités le rappelle : 73% des retraités disposant de moins de 1000 € sont exposés à la précarité alimentaire, et avec une pension de 1000 à 1400 € ils sont encore 36% à déclarer subir les mêmes privations.
 Mais plus encore, c’est la difficulté d’accès aux soins qui est cause d’une mortalité précoce, et de ce point de vue le constat est accablant. Pour les retraités modestes, dont les pensions sont inférieures à 1400 €, les questions de pouvoir d’achat priment sur les enjeux de santé.

Dans notre enquête, un tiers des retraités disposant de moins de 1400 € de pension déclarent avoir été amenés à renoncer à consulter un généraliste et plus de deux tiers à renoncer à consulter un spécialiste. Et ces constats sont plus marqués encore dans les déserts médicaux de la « diagonale du vide ».

La mauvaise santé, si elle est souvent la conséquence de la pauvreté, en est aussi parfois la cause. Une santé défaillante, un handicap chronique peuvent entraver la poursuite d’études, l’exercice professionnel ou l’accès à des emplois qualifiés.
Les personnes en mauvaise santé chronique ou affectées par le handicap sont plus que d’autres « bénéficiaires » de l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées.

Les pauvres plus vulnérables parce que plus éloignés du système de santé.
Les déserts médicaux, le renoncement aux soins pour cause de dépassement d’honoraires, une plus grande exposition aux maladies professionnelles comme aux accidents de travail, ce sont autant de causes qui creusent les inégalités devant la santé, et au final devant la mort.
L’accroissement des disparités sociales au cours de la dernière décennie est un facteur aggravant de cette situation. Et ce n’est pas l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie plafonné à 3% dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 qui règlera le problème loin de là.

Plus de justice fiscale, dégageant plus de moyens pour la santé publique et l’Hôpital Public, ce sont les mesures qui devraient s’imposer pour enrayer cette dérive morbide qui fait que les pauvres meurent beaucoup plus tôt que les riches.

Pour aller plus loin : L’étude de l’INSEE