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Rupture du contrat social ?
mardi 9 septembre 2025
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Dans sa dernière intervention devant l’Assemblée Nationale, à propos de la jeunesse, l’encore Premier ministre François Bayrou déclarait le 8 septembre : « nous avons rompu le contrat de confiance entre générations qui est la base du contrat social ». Une nouvelle fois, il reprenait le discours de l’antagonisme entre générations, supposant qu’une population de vieux, favorisée de façon homogène, vivrait dans une aisance égoïste financée par l’effort des jeunes générations.
S’il nous a épargné le registre insultant et diffamatoire, des « boomers » qu’il accusait d’une posture « immorale », il a persisté dans la description d’une situation qui ne correspond pas à la réalité.
Les retraités, une population hétérogène
D’une part , nous ne le répèterons jamais suffisamment, la population des retraités et des personnes âgées est loin d’être homogène.
Rappelons que 11% des retraités français vivent sous le seuil de pauvreté (1288 euros pour une personne seule), soit près de deux millions de seniors inscrits de façon irréversible dans la précarité.
Rappelons que la retraite moyenne nette, 1453 euros (donnée décembre 2023) est supérieure au SMIC de seulement 10%.
Rappelons que la pension moyenne des nouveaux retraités est voisine du SMIC.
La situation des retraités est marquée par de réelles différences, certes moins fortes que chez les actifs, du fait des règles de distribution, mais qui ne permet pas d’envisager la population des retraités comme un corps social homogène. Dire aux retraités pauvres ou modestes qu’ils sont des privilégiés relève du mensonge et de l’insulte.
L’épargne des retraités, excessive ?
Un discours émerge à bas bruit chez les économistes libéraux, l’épargne des retraités serait trop importante, et la revalorisation des pensions de 2024, aurait fini intégralement sur les livrets de caisse d’épargne et autres assurances vie. Comprenez, "puisque ces sommes ont été épargnées, c’est que les retraités n’en avaient pas besoin, il était donc inutile d’augmenter leur pension".
Superbe sophisme que voilà. D’une part, épargne qui peut, et c’est loin d’être le cas de tous les seniors. D’autre part, ramenons les choses à la raison. Le rapport du Conseil d’Orientation des Retraites nous dit que le patrimoine des retraités français est supérieur de 50 000 euros en moyenne à celui de l’ensemble des Français. 50 000 euros, c’est souvent le fruit du travail d’une vie… Et c’est surtout une épargne de précaution pour pallier l’inexistence d’un vrai service public du Grand-Âge. Dit autrement, en s’appuyant sur le prix mensuel moyen d’un Ehpad défini par la CNSA à 2868 € (pour une chambre sans aide sociale), le supplément d’épargne permet à un retraité de se payer 18 mois d’Ehpad en fin de vie, l’assurance de ne pas (trop) peser sur le budget de ses enfants ou petits-enfants.
Les vraies ruptures du contrat social sont ailleurs :
Les fortes inégalités résultent de la politique de l’offre mise en place par Emmanuel Macron voici dix ans, laquelle s’est soldée par un échec retentissant et s’est traduite par un accroissement de la pauvreté. Les très riches ont fait sécession, leur fortune a plus que doublé en huit ans, et leur taux d’imposition, par le jeu de l’optimisation fiscale, est moindre que celui de contribuables moins favorisés. Les aides aux entreprises, généreusement distribuées à hauteur de 211 milliards d’euros, profitent d’abord aux plus puissantes, au détriment des PME. L’impôt sur les sociétés impacte plus durement les PME que les grands groupes.
La réponse des plus favorisés, président du MEDEF en tête, si prompts à demander des efforts aux autres, c’est la menace de l’exil fiscal, dont la réalité vient d’être démentie par une étude du Conseil d’Analyse Économique
C’est cette injustice sociale et fiscale qui a plongé notre pays dans la crise qu’il connaît. C’est cette injustice que ne supportent plus les Français.
L’argutie qui consiste à opposer les générations, outre le fait qu’elle relève de l’âgisme, ne tient pas ! Il faut en finir avec la politique de l’offre et imposer une profonde réforme fiscale, impactant les gros patrimoines et les grosses successions, pour relancer la consommation, principal moteur de l’économie, et apporter des réponses à la crise sociale et environnementale que nous traversons. Il y a urgence !